Les jumkhas de Nitya : scène 2, Cassandra

Cassandra poussa la porte du salon de thé, son amie Julie sur les talons. Un carillon retentit et elle adora tout de suite l’endroit, à la fois coloré, gai et doux. Par contre, il était petit, et elle se sentit encombrante avec son grand carton à dessins. Mais il avait un sérieux avantage : il était proche de leur arrêt de bus, et elle se demanda pourquoi elles n’étaient encore jamais venues.

Les deux jeunes femmes se faufilèrent entre les tables et s’installèrent. Le temps que la serveuse les repère, elles examinèrent l’endroit, en commentant chaque détail, puis la carte et ses choix de boissons et de desserts.

— Bonjour ! fit la serveuse avec un grand sourire lorsque leur tour arriva. Je m’appelle Nitya. Que puis-je vous servir ?

— Un thé à la fraise pour moi avec une crêpe au chocolat, dit-elle.

— Un chocolat chaud et une gaufre au sucre, ajouta Julie.

Nitya nota le tout sur son carnet.

— C’est noté. Oh, tant que j’y pense ! j’ai perdu des boucles d’oreilles il y a quelques jours par ici. Si jamais vous les voyez dans un coin…

— On vous fera signe !

— Merci !

La serveuse s’éloigna dans une envolée de cheveux bruns, et Cassandra poussa son amie du coude.

— T’as vu ses yeux ? Elle est super jolie ! chuchota-t-elle.
Julie rit et Cassandra rougit.

La commande arriva rapidement malgré le monde présent. Les deux amies mangèrent leur goûter avec appétit tout en discutant de leur dernier cours d’art plastique. Puis elles firent ce qu’elles aimaient le plus quand elles étaient ensemble : regarder les gens. 

— Oh, tu as vu la dame là bas ? demanda Julie en désignant une femme seule à une table, de l’autre côté de la salle. 

— Son châle est trop beau. On dirait qu’elle fait du crochet, non ? Je me demande si elle l’a fait elle-même.

Julie avait sorti son carnet et croquait rapidement la cliente aux crayons de couleur. 

Cassandra la laissa faire un moment en admirant son talent pour les portraits – elle même était plutôt douée pour les fleurs. Puis, avec sa spontanéité habituelle, elle décida d’aller dire bonjour à la cliente créative. 

Celle-ci était penchée sur un ouvrage avec une pelote de fil orange vif, et sursauta légèrement quand Cassandra la salua.

— Je voulais juste vous dire que je trouve votre châle magnifique, dit la jeune femme. C’est vous qui l’avez fait ?

— Oui, c’est moi, répondit la dame avec un accent étranger.

Elle avait des cheveux gris coupés courts et des yeux gris aussi. 

— Super ! Bravo ! s’exclama Cassandra. J’adorerais savoir crocheter, c’est si beau ! Qu’est ce que vous faites aujourd’hui ? demanda-t-elle en désignant la pelote.

— Un renard. C’est pour mon petit-fils.

Son accent qui roulait les R donna à la jeune femme la sensation qu’elle venait des payx de l’Est.

— Oh, trop chouette !

A ce moment, Julie l’attrapa par le bras en regardant sa montre.

— Faut qu’on y aille, Cas, on a le bus dans un quart d’heure !

— Bonne journée, madame !

Elles se dirigèrent vers le comptoir, payèrent leur facture et quittèrent le salon de thé, ragaillardies.

— On reviendra, c’était chouette cet endroit ! fit Cassandra en bataillant avec son sac et son carton à dessin trop grand.

— Ouais, dis surtout que tu as envie de revoir la serveuse, la taquina Julie.

Cassandra rougit.

— J’espère qu’elle va retrouver ses boucles d’oreille, la pauvre !

Elles montèrent dans le bus en riant.

Laisser un commentaire